Il y a plus de mille ans, sur une île battue par les vents au nord du cercle polaire, une femme a été inhumée dans un petit bateau cousu, entourée de ses objets personnels… et d’un compagnon à quatre pattes placé à ses pieds. Ce genre de scène, que l’on pourrait croire inventée pour un roman historique, a pourtant été mise au jour en juin 2025 sur l’île de Senja, en Norvège.
Dans l’archéologie nordique, les tombes à bateau ne sont pas rares. Mais celle-ci, avec la présence soigneusement agencée d’un chien à côté de la défunte, interroge sur bien plus que le statut social ou les pratiques funéraires. Elle évoque une tendresse, un lien affectif, une humanité inattendue dans un temps que l’on associe trop souvent à la brutalité des haches et des raids.
Pourquoi ce détail a-t-il tant frappé les chercheurs et les observateurs ? Parce qu’il bouleverse l’image figée du guerrier viking. Et surtout parce qu’il rappelle une chose essentielle : même au IXe siècle, dans les confins glacés du Nord, on enterrait ses morts avec ce qui comptait le plus…
Avertissement : chaque nouvelle fouille modifie notre perception du passé. Ce que nous croyions savoir sur les Vikings est souvent biaisé par des récits masculins, guerriers, écrits bien après les faits. Ces découvertes obligent à revoir nos filtres, nos lectures, notre façon de penser l’histoire.
Où la tombe a-t-elle été retrouvée, et dans quelles conditions ?
La découverte a eu lieu sur l’île de Senja, au nord de la Norvège, bien au-delà du cercle polaire arctique. Lors de travaux d’extension à proximité d’un ancien site agricole, les archéologues de l’Université arctique de Tromsø (UiT) sont tombés sur des traces sombres dans le sol — un contour elliptique et des clous déformés par le temps. Il s’agissait des restes d’un bateau funéraire cousu, long d’environ 5,3 mètres.
Viking woman from 10th century found buried with her dog and boat https://t.co/Yx1LKXtNVt pic.twitter.com/mdAiCOM9o9
— The Independent (@Independent) June 11, 2025
Dans cette coque, parfaitement orientée, reposait un squelette féminin accompagné de deux broches ovales, d’un couteau, d’un fuseau de tissage… et d’un chien. Ce dernier avait été placé délicatement aux pieds de la défunte. Il ne portait aucune marque de blessure, ce qui exclut un sacrifice. L’animal semble avoir été enterré vivant ou euthanasié sans violence apparente, ce qui est rare dans le corpus funéraire viking.
Qui était cette femme viking enterrée avec son chien ?
Les objets découverts avec elle laissent penser qu’il s’agissait d’une femme de statut élevé, probablement liée à l’artisanat du textile ou à la gestion domestique — des rôles très respectés dans la société scandinave médiévale. Les broches en bronze étaient typiques des vêtements féminins, et le fuseau confirme une activité de production textile, essentielle dans l’économie de l’époque.
Mais ce qui singularise cette sépulture, c’est la place du chien. Il ne s’agit pas ici d’un simple animal utilitaire, mais d’un compagnon. Sa présence n’était pas symbolique, elle était intime. C’est ce détail qui a provoqué l’émotion des archéologues sur le terrain : ce n’est pas une mise en scène pour affirmer une fonction sociale, c’est l’empreinte d’un lien.
Est-ce que les Vikings enterraient souvent leurs animaux ?
La pratique n’était pas inexistante, mais elle restait marginale. On connaît quelques cas de tombes contenant des chevaux, généralement liés à des guerriers. Mais les sépultures humaines avec des chiens sont plus rares, et plus ambigües dans leur interprétation. Dans certains cas, l’animal semble sacrifié, dans d’autres il est simplement joint comme un objet funéraire.
Ici, la posture du chien, intact, couché au pied de la femme, tranche avec ces logiques. Il ne semble pas avoir été « offert » mais accompagné. Le fait qu’il n’ait pas été mis en valeur mais placé dans une position familière laisse penser qu’il faisait partie du foyer. Il s’agit peut-être du premier exemple attesté d’une relation affective chien-humain enterrée en contexte nordique, sans codage symbolique visible.
Pourquoi cette découverte change-t-elle notre regard sur l’époque viking ?
Elle agit comme un contrepoids aux images dominantes. Elle nous montre une part de quotidienneté, de sensibilité, presque de tendresse dans une société trop souvent caricaturée comme brutale. Elle permet aussi de mieux comprendre la place réelle des femmes dans le tissu social nordique, au-delà des rôles qu’on leur prête habituellement dans les sagas écrites par des hommes des siècles plus tard.
Enfin, elle nous rappelle que les Vikings n’étaient pas coupés du monde émotionnel. Qu’ils enterraient leurs morts avec ceux qu’ils aimaient, y compris leurs animaux. Ce geste simple, humain, nous relie directement à eux — bien plus que n’importe quelle arme ou bijou.
Et maintenant, qu’est-ce qu’on en fait ?
Ce genre de découverte mérite mieux qu’un entrefilet dans les médias spécialisés. Elle devrait être partagée, débattue, racontée. On peut en faire un dossier thématique, une base pour repenser certains manuels scolaires, ou un point de départ pour interroger nos propres rituels funéraires.
Ce qu’il faut maintenant, c’est garder ouverte cette faille dans le temps. Continuer à parler de cette femme, de son chien, de leur dernière traversée ensemble. Et pourquoi pas : inviter chacun à dire ce que cette image leur inspire, ce qu’elle évoque de leur propre lien à l’animal, à la mémoire, ou à la tendresse dans l’Histoire.